Le moins que l’on puisse écrire, c’est que les équipes d’organisation de la Transat Jacques Vabre présentes à Fort de France ne vont pas chômer ces prochaines 48 heures. La flotte des Class40 arrive, dans le sillage d’un Redman en position de venir cueillir dès ce matin les lauriers d’un triomphe jusqu’au bout contesté sur l’eau, mais absolument indiscutable dans sa forme.
A la suite immédiate du duo Antoine Carpentier - Pablo Santurde, les animateurs d’une course palpitante jusqu’au bout, vont d’heure en heure venir s’amarrer aux pontons de la transat, tant les écarts qui séparent chaque protagoniste sont ténus. Ainsi la troisième marche du podium fait-elle l’objet en cette fin de nuit antillaise d’un terrible mano a mano entre les Normands de Seafrigo-Sogestran, Cédric Chateau et Jérémie Mion, et les Belgo- Français de Volvo, Jonas Gerckens et Benoit Hantzperg. Redman, en approche du diamant, a vu cette nuit sa maigre avance fondre davantage encore sur Banque du Léman revenu à une douzaine de milles, et le plus rapide de la flotte ce matin. Légèrement décalé sous le vent de leurs adversaires, Valentin Gautier et Simon Koster peuvent ce matin lofer et accélérer avec un meilleur angle de vent. Pas le droit à l’erreur, à la fortune de mer, au moindre incident mécanique pour le leader Redman, en tête quasiment depuis Madère. Avec plus de 4 500 milles de course intense dans les jambes, les duos ne pourront véritablement se relâcher et savourer qu’une fois amarrés à Fort de France, cet après midi assurément.
Enfin! L’alizé, si peu coopératif depuis le début de la traversée de l’Atlantique et le passage au Cap Vert, semble montrer un peu de compassion pour les tandems soumis aux rudes épreuves de son instabilité et de ses caprices, sur une mer infestée de sargasses. En prenant un peu de Nord, il favorise les déboulés au grand largue vers la Martinique. Les protagonistes de tête, en chasse derrière Redman, donnent tout et sollicitent leurs machines au maximum, pour un fracassant baroud d’honneur à plus de 15 noeuds sur la route. Les places d’honneur se jouent toutes à une poignée de milles et les duos ne disposent d’aucune marge d’erreur pour préserver ce qui aura été conquis 22 jours durant au prix d’une belle abnégation.
Fort de France attend ainsi aujourd’hui pas moins d’un quinzaine de voiliers qui auront tous, à un moment où à un autre, animé la tête de l’épreuve. Tous les favoris sont là et il est difficile de dégager un équipage plus méritant que l’autre. On aime pourtant voir apparaitre en 9ème place les filles de la Boulangère Bio, Amélie Grassi et Marie Riou, flashes à 17,40 noeuds ce matin, et tellement à l’aise aux avant-postes. Que dire de la performance des Britanniques de Tquila, voilier lancé en 2014, et que Brian Thompson et Alister Richardson ont mené aux portes d’un si envié Top 10. Seuls Ian Lipinski et Julien Pulvé (Crédit Mutuel) ne sont pas à la fête qui leur était promise, la faute à un OFNI qui, en abîmant leur quille, les contraint à naviguer avec le frein à main.
La Transat Jacques Vabre des Class40 trouve ainsi aujourd’hui une tonitruante conclusion. Elle sacre ses favoris et marque les triomphes des nouveaux bateaux qui, malgré une configuration de course moins ventée qu’espéré, ont démontré une belle polyvalence. La Classe ne déplore que deux abandons sur 45 bateaux engagés. Elle a offert tout au long d’un parcours inédit, long et tortueux à souhait, tous les ingrédients qui font sa force, compétition au plus haut niveau, aventures humaines, accomplissements individuels, et la magie du voyage trop souvent oubliée lors des compétitions véliques, et que les protagonistes en Class40 ne manquent jamais d’inclure dans la narration de leurs joutes nautiques.
Pablo Santurde del Arco, le « précieux » de Redman
« Mon précieux »! Ainsi Antoine Carpentier appelle t-il avec humour et affection son incroyable co-skipper, l’homme vers qui tous les succès accourent (Victoires dans Québec-Saint Malo, Normandy Channel Race, RORC 600, Mondial 40 etc…). Le natif de Santander est en effet l’équipier idéal, bon dans tous les compartiments du jeu et doté d’une personnalité passe partout, affable, qui en fait le compagnon de cordée idéal pour les expéditions au long cours. Arrivé dans le milieu Franco-Français de la course au large en compagnie d’un autre espagnol toute aussi doué et attachant, le Barcelonais Alex Pella, Pablo cumule les succès, se classant rarement au delà des podiums. Celui de la Transat Jacques Vabre lui est familier, deuxième avec Pella en 2013, et troisième en 2017 avec Phil Sharp. La consécration et la première marche l’attendent aujourd’hui à Fort de France…
Ils ont dit :
Anne Beaugé - Milai
« Tout va bien a bord de Milai. Sur la tranche ! Cette journée et cette nuit sont penchées ! Le vent est bien ‘à gauche' , après avoir fait flapper les spis, nous avons sorti le gennak de son sac. Leclerc de Magré Père et Fils, passe à fond la caisse dessous, et nous tachons de faire notre route, au mieux.Nous sommes assez excités à l'idée de retrouver la terre, 302 milles exactement , à l'heure ou j’écris… »
Max Cauwe - Avanade
« L’ordinateur est formel, on est à moins de 48h de l'arrivée de cette transat Jacques Vabre ! C’est de plus en plus dur de tenir la cadence des bateaux autour : l'angle de vent leur devient de plus en plus favorable. On est repassé en mode "sans pilote" mais cette fois pour la performance. On barre, on règle, on barre, on dort ! là ça déboule à 13/14nds avec les safrans et la quille qui sifflent de bonheur .
C'est une course donc on a envie d'arriver le plus vite possible et donc dans un sens que ça se termine le plus vite possible....C'est bizarre comme raisonnement : on a bossé 1 an pour être au départ de cette course mythique et dès le coup de canon, on a qu'une seule envie, franchir la ligne d'arrivée ! Tout ça pour dire dire que je prends un plaisir monstre sur cette Jacques Vabre ! que ce soit pour la compet ou le plaisir des yeux je suis comme un gamin ! Et si j'ai envie d'arriver aussi vite, c'est aussi pour avoir l'occasion de repartir ! «
Antoine Carpentier - Redman
Voilà c'est bientôt la fin ! Aujourd'hui j'ai pris 10 ans, On navigue entre les nuages. Le premier de ce matin nous a donné bon espoir, on a navigué pendant 30 minutes à 17 nœuds et, en sortie de nuage, grosse rotation de vent qui nous a permis d'aller rechercher l'axe des Suisses qui se faisaient de plus en plus menaçants... Les autres nuages ont été moins sympas, on vient de passer 20 minutes avec 8 nœuds de vent à batailler pour sortir de l'emprise d'un gros nuage. Depuis ce matin, on a les yeux rivés dans les rétros, normalement le vent devait rentrer par derrière, du coup notre avance devait diminuer d'heure en heure. C'est une sorte de guerre des nerfs. On aura tout donné sans compter avec Pablo ! Je n'ai jamais autant barrer sur une transat ! J'ai jamais aussi peu mangé sur une transat, Pablo non plus ! En espérant qu'on va finir cette Transat Jacques Vabre de la plus belle des manières. On croise les doigts . «
Free dom - Thomas Bulcke
« Si les derniers jours ont été assez monotones : grosses chaleurs, sargasses, poissons volants, surfs et empannages; cette nuit a été super intense. 2-3 heures de sommeil chacun. Ca nous a rappelé le début ce course super engagé et hors de notre zone de confort, sur le fil. Vers 1h30 du matin Thibaut me réveille en criant "Tom il y a 27 noeuds" je sors en catimini nous sommes GV haute et grand spi. Je prends tout de suite un ris et nous décidons de passer sous Spi medium car la mer est très formée et il fait nuit noire. La lune se lève vers 03h TU maintenant."